(Loulou) I'd come for you

Imaginez, le garçon le plus populaire de l’école, le plus beau, intelligent, sportif, gentil. Un garçon parfait. Il avait quinze ans à l’époque, donc il en était à son troisième secondaire. Son nom? Logan Keatley. À l’époque, j’étais encore un inconnu pour moi-même. Je changeais de copine à la semaine, je faisais partie de toute les équipes de sports de l’école, je me battais pour les meilleures notes. Tout le monde m’adorait, j’avais une tonne d’amis. J’étais arrivé en début d’année, et je connaissais déjà tous les élèves. Ou presque. Un beau jour, une demoiselle était venue me voir. C’était le genre de fille qui passait inaperçue : yeux bruns, cheveux frisés et foncés, notes dans la moyenne.

Elle me demanda si, en tant que meilleur étudiant du niveau, je pouvais lui rendre un service. J’avais toujours était un garçon très vivant, qui adorait les autres. Je m’étais empressé d’accepter : elle voulait simplement que j’aide un de ses amis à augmenter ses notes.

C’est de cette façon que j’avais rencontré Tom.

Thomas Audet était un jeune homme timide, aux cheveux bruns foncé et frisés et aux yeux gris. Au départ, je me contentais de le faire étudier, puis nous sommes devenus très proches. Notez ici que je n’ai pas utilisé le mot « amis ». Nous étions plus que cela. Ainsi, après quelques mois à se fréquenter, il m’avait fait réaliser quelque chose : la raison pour laquelle je changeais toujours de copine sans être jamais satisfait, c’était que j’aimais les hommes. Nous nous étions avoués notre attirance un dimanche, nous nous étions embrassés le même jour. Le suivant, toute l’école était au courant pour nous deux. Ils n’aimaient pas ça. Pour eux, les gens homosexuels n’étaient qu’une bande d’extraterrestres, de monstres. La différence fait toujours peur.

En moins de deux semaines, on m’avait forcé à quitter toutes les clubs de sport que je fréquentais. « Les gens comme toi sont pas des hommes. Va plutôt essayer l’équipe féminine », m’avait-on dit. Un jour, les gens de l’équipe m’avait suivit après l’école. Dans la ruelle où je passais pour me rendre chez moi, j’avais été battu presqu’à mort, traité de tous les noms. On m’avait amené à l’hôpital, et je n’en n’étais sorti que deux semaines plus tard. Entre temps, j’avais reçu la visite de Tom.


Il était parti, me laissant seul avec de sombres pensées.

Je n’avais jamais avoué à mes parents la raison pour laquelle je m’étais fait attaquer, mais ils avaient jugé bon de déménager, et c’est ainsi que j’allais fêter mes dix sept ans dans une nouvelle école. J’étais arrivé en plein milieu de l’année scolaire, comme à mon habitude.

C’était ma première journée dans l’école, et merci au directeur, j’étais arrivé en retard. J’entrai dans la classe de science, expliquai la situation au professeur qui fit le même discours que dans toutes les autres académies « Je vous présente Logan Keatley et blabla bla. » Ainsi, je toisai le groupe de mes yeux bleus pâles. J’étais le genre de garçon que toutes les filles s’arrachaient, du moins, s’il n’était pas gay. J’étais grand, mince, assez musclé, avec de courts cheveux blonds. Enfin, à la fin du cours, l’enseignant demanda si quelqu’un avait la générosité de me prendre sous son aile, le temps que je m’habitue. Bien que je lui expliquai que ce n’était pas nécessaire, elle choisi la seule main qui ne c’était pas levée et ordonna au garçon en question de me faire faire le tour de l’école. Elle ajouta qu’il était obligé, ou elle lui filait un devoir supplémentaire à tous les cours. Enfin, mon « camarade » et moi, sortîmes du cours ensemble.

« Euh… salut? Moi c’est Logan Keatley. »

Je lui lançai un main incertaine.

Je ne voulais pas être là. Je voulais disparaître, partir. Me terrer le plus loin possible et ne plus jamais quitter la sécurité d’un endroit reclus. J’avais écouté les quinze minutes restantes du cours sans grande attention, préférant gribouiller dans mon cahier plutôt que de prendre des notes : je n’avais aucune difficulté à comprendre, donc pourquoi quelques questions idiotes m’importeraient. Et puis, je faisais mon possible pour ne pas répondre à l’enseignant. J’aimais faire profil bas. Enfin, je n’avais pas toujours été ainsi, quelques années plus tôt j’étais un garçon plein de vie qui adorait se mêler aux autres. J’avais été très sportif jusqu’à mon petit voyage à l’hôpital. Je m’entrainais toujours, mais chez moi, et je ne parlais plus à personne. Ma vie était devenue un enfer de crainte et de haine.

Mes parents avaient décidé de me faire recommencer à neuf, sans trop savoir où était le problème. En réalité, ils n’avaient jamais eu vent de ma relation avec Tom, car je ne savais que trop qu’ils me rejetteraient s’ils étaient mis au courant. Ainsi, je vivais seul dans un loft –mentionnons ici que mes parents sont des membres de la haute société- près de cette nouvelle école. Enfin, le fait que j’ai abandonné tout ce qui me définissait avant n’était pas qu’une mauvaise chose, je m’étais découvert d’autres talents, comme par exemple celui que j’avais en dessin.

Le cours se termina et l’enseignant me désigna un garçon qui allait me montrer l’école. J’hochai timidement la tête avant d’aller me présenter à ce jeune homme sur un ton timide et presqu’indifférent. J’avais les yeux baissés, je fixai mes chaussures. Comme si j’avais peur que quelqu’un dans la salle se lève, me pointe et se mette à crier « Regardez! C’est lui, le monstre, l’aliène! Il est gay! ». Je n’avais aucune honte à être qui j’étais, détrompez vous, seulement, j’aurais voulu que le monde comprenne que le fait que j’étais attiré par les gens du même sexe ne faisait pas de moi un horrible prédateur sexuel. C’était comme penser que tout garçon « normal » n’avait qu’un envie, de se jeter sur les filles qui l’entouraient.

Enfin bon, je hochai timidement la tête au garçon qui se présentait et lui serrai la main avant de la lâcher pour retourner à la contemplation de mes chaussures.

Je regardai Adam s’éloigner de moi. C’était mieux ainsi. D’un certain côté, j’enviais ce garçon : il avait tout un cercle d’amis qui semblait l’apprécier, il avait l’air d’un jeune homme heureux et talentueux. Moi j’étais simplement talentueux. Je n’aimais pas les gens en général, ils me faisaient peur. Quoi de plus normal quand on sait que j’avais passé proche de mourir à cause d’être humain. Le deuxième cours fut annoncé par la cloche, ainsi je me dirigeai vers le local que je savais être celui d’anglais.

Il y a quelque chose de commun à toutes les écoles : les cours d’anglais sont toujours pathétiques. Les professeurs parlent à moitié la langue et on nous enseigne du niveau de première année. Ayant vécu un an en Angleterre, mon anglais était impeccable. Ainsi, alors que le chef de classe nous passait un discours ennuyeux sur les verbes au présent, j’étais dans le fond de la classe, à moitié endormi, à griffonner sur une feuille de papier blanc. L’enseignant me remarqua à moitié étendu sur le bureau et me lança un regard mauvais.
En français.

Le truc c’est que j’avais un très mauvais caractère. J’étais brillant et donc, même avec les professeurs à dos, j’attrapai des 95%. Ainsi, je relevai mollement –et dans un geste que toute personne de ce monde aurait trouvé incroyablement sexy- la tête, avant de toiser l’enseignant d’un regard plus que blasé.

« Actually, go on, I’m pretty sure the basic thing you’re talking about interest at least one person here, I’m just kinda sorry it isn’t me. »

J’ignore pourquoi, l’envie de m’éloigner et de rester seul était légèrement passée. J’avais toujours peur, pourtant. Parce que ce garçon là m’attirait, psychologiquement parlant. Il avait beau être la preuve que les gens d’ici étaient ouverts d’esprit, allez en discuter avec mes côtes. Après tout, dans l’histoire, c’était elles les victimes non? N’empêche que quelqu’un qui criait haut et fort son homosexualité, pour moi, c’était quelqu’un qui était très fort. Me décidant à croiser son regard, je montai les yeux –après tout, il avait bien une tête de plus que moi- et le toisai avant de lui lancer un sourire timide tout à fait craquant. Dans le genre mignon tout plein, ça gagnait des records. Bref, toujours avec un tout petit sourire :

Et je me dirigeais d’un pas un peu lent vers le hall de l’école. Ça, ça veut dire, « je crois que je veux que tu me suives ».

Pourquoi je faisais mon agace aussi!? C’était un truc de nana ça, dans le genre « je me balance le derrière alors que tu marche derrière moi juste pour te tenter ». Enfin, je n’étais pas en train de bouger les hanches, ce qui aurait un résultat beaucoup moins sexy que pour une demoiselle. Je l’avais simplement gratifié d’un regard vivant, que je n’avais offert à personne depuis bien longtemps. Je n’aurais pas dû lui suggérer silencieusement de me rejoindre. C’était comme s’il gagnait. Et moi, j’avais horreur de perdre. Évidement, il rejoignit mes côtés assez rapidement.


Et puis en même temps, manger avec quelqu’un n’engageait à rien, c’était pas comme s’il allait me sauter dessus. Non, non, j’étais juste un garçon bien ordinaire qui dinait avec celui qui devait lui faire visiter la place. Personne ne savait que j’étais gay. En même temps, c’était vrai que je ne le détestais pas, il me faisait penser à Alicia côté caractère. Elle, qui m’avait présenté Tom, elle était restée amie avec moi lorsque tout le monde me détestait. Elle m’avait vraiment sauvé.

Mon ton en parlant d’Alicia était très doux, plein d’affection. En réalité, je lui parlais encore ces jours là, elle me donnait des nouvelles de Tom. Parce que je voulais être sur qu’il était bien, qu’il ne souffrait pas. Même si lui ne voulait plus me voir. J’avais hésité à utiliser le mot « amie » parce que, pour moi, Alicia était comme une grande sœur. Seulement, l’hésitation ne sonnait pas tout à fait comme cela.

Je m’assis dans le gazon une fois m’être assez éloigné de l’école, de façon à être loin des autres, de façon à être seuls. Puis je m’attaquai à mon sandwich, le pauvre petit qui me narguait depuis déjà cinq minutes, dans mon sac. Une fois mon repas sorti de ce dernier, je m’étais assis dessus, et sur le carnet qu’il contenait, histoire de couvrir les preuves. Alicia… son souvenir me faisait sourire. Parfois encore, on se revoyait et on mangeait ensemble, et elle m’assurait que Tom ne faisait pas ça pour lui, il m’évitait pour ne plus me revoir à l’hôpital. C’était sa façon à lui de me protéger, sa façon de m’aimer. Seulement moi, Tom, je l’aimais assez pour retourner des dizaines de fois me faire casser les côtes. Juste pour qu’il me souri comme la journée où nous étions devenus un couple. Juste pour qu’il me dise « ça va aller, puisqu’on est tous les deux. ». Mais il ne voulait plus me parler. Plus jamais.


Je me tus brusquement, réalisant que je parlais de mon passé, et d’un passé très sombre, à un garçon que je connaissais à peine. Et puis, quand j’avais évoqué « cette personne », ce pauvre Adam avait du comprendre que je n’étais pas du tout en couple avec Alicia. Parce qu’en pensant à Tom, j’avais eu un sourire amer, et un regard infiniment triste et désespéré. Je secouai la tête, tentant de remettre ces idées en ordre.

Foutaises.

Mon sourire « spécial Tom » effacé de mon visage, j’écoutai l’histoire que m’offrait mon compagnon, en lui souriant doucement. Réellement, je n’avais pas été –ou semblé- depuis deux ans. Et de sourire autant aujourd’hui me rendait perplexe. Il faut toutefois avouer que je ressemblais à un ange, quand j’avais un sourire tout innocent accroché au visage. J’étais assis sur une de mes jambes, la deuxième rempliée devant moi, ainsi, lorsqu’il finit de parler et que je me tournai vers lui avec un air moqueur, je me retrouvai à genou, une main au sol, et le visage à quelques pouces de celui du garçon.

La cloche eut tôt fait de briser le moment. Ainsi, j’agrippai mon sac d’un air innocent, dans le genre « qu’est ce que j’ai fait de mal? Ce n’était pas du tout suggestif comme scène», avant de me diriger vers ma case. Maths, à nous deux!

J’hochai la tête discrètement à cette remarque et lui expliquai brièvement que j’aimais plutôt passer inaperçu, enfin, sauf si on me cherchait, comme le professeur de plus tôt.

J’amassai mes choses en vitesse et me dirigeai vers la classe de mathématiques. J’ignorai vraiment pourquoi, mais j’avais bien envie de m’amuser un peu avec ce pauvre Adam. Disons seulement que, si on qualifie certains gay de très féminins, le seul côté de fille que j’avais, c’était mon dos pour jouer l’agace. Ainsi, je laissai mon manuel dans le casier et allai expliquer à l’enseignant que je n’avais pas pu me procurer tout mes effets. Elle me demanda de suivre avec quelqu’un d’autre. Devinez qui?

Ouais, ouais, on allait voir jusqu’où il allait tenir, tout de même. Enfin, un cours de math sans incidents notables plus tard, je m’éclipsai, faisant exprès de laisser ce pauvre Adam seul et désarmé. Réfléchi un peu, toi. Évidement, je fis rapidement mon sac, car, pour améliorer mon plan, le dernier cours de la journée était celui d’éducation physique. Je descendis au vestiaire, en parti pour que monsieur se demande où j’étais passé, mais aussi parce que je ne désirais pas me changer devant tous les autres : sous mon t-shirt, je portais un bandage autour du torse, parce que ma dernière visite à l’hôpital ne datait pas d’il y avait deux ans. Disons simplement que je n’avais pas le don de me faire apprécier n’importe où.

Lorsqu’Adam arriva dans le gymnase, je pris grand soin d’être en grande discussion avec deux charmantes demoiselles –c’est que ce « jeu » me rendait social. Aussitôt, la petite brune avec qui je parlais s’emporta d’un ton joyeux.
J’acceptai sa demande avec un sourire, sentant le regard d’Adam dans mon dos. La jolie jeune femme écrit alors son adresse sur le dos de ma main, prenant soin de terminer avec un cœur. Elle me fit un clin d’œil et entraina sa compagne plus loin.