PV Loupio ♪

Cet après-midi-là, Ethan était allé jouer un peu dans le parc de l'Académie. Si l'on peut appeler jouer le fait de s'asseoir dans l'herbe et de tapoter le sol avec un petit bâton sans grand enthousiasme. Lorsqu'il commença à faire plus sombre, il n'attendit pas que sa mère lui dise de rentrer et retourner en dedans tout seul, comme un grand. Il longea le mur jusqu'à sa chambre, et y trouva sa mère. Il s'approcha alors, et s'assis devant elle, l'air grave. D'habitude, il ne faisait même pas ça durant la journée. Il limitait au possible les contacts physiques. Mais cet après-midi, il alla se coller contre Ariane.

- Maman... Ya juste à toi que je peux le dire. Sinon les autres, ils me croiront pas. L'infirmière, elle est méchante, elle pense que je fais une dé... euh... une dé... maladie. Elle voudra pas m'écouter...

Il marqua une petite pause, réfléchissant.

- ... Papa m'a dit qu'il arrivait bientôt.

Je serrai mon fils contre mon coeur, plus à l'écoute que jamais. Il ne me parlait pas souvent ces temps-ci, juste un peu le soir, et parfois au réveil lorsqu'il avait fait un cauchemar. Mais guère plus. Sans compter que l'infirmière m'avait sermonnée, estimant que je montrais trop ma peine à son goût, et que je devais éviter les contacts avec lui. Pour ne pas lui transmettre ma peine. Et malgré cela, je couvais toujours mon fils. Tout le temps.

-Il t'a parlé dans un rêve, c'est ça?, demandai-je doucement en caressant ses cheveux en bataille.

- Non... Il parle pas, papa, dans mes rêves. Il est loin loin, et il a mal au pied. Et je lui crie de venir vite, et il ne m'entend pas...

Il lui avait déjà raconté ce rêve, au début. Il ne faisait que ce rêve-là, toujours le même, debut quatre jours. Si il se réveillait en pleine nuit et se rendormait ensuite, il y avait même des chances qu'il le refasse une deuxième fois.C'est plus un cauchemar qu'autre chose, car il n'arrivait pas à rejoindre son père. Mais cette fois, il parlait d'autre chose. Il semblait quand même rassuré que sa mère s'adresse à lui doucement, et n'ait pas l'air de le trouver fou - du moins, pas encore.

- Il me l'a dit, c'est tout. J'ai pensé très très fort à lui. L'autre jour, je marchais, et je savais plus où j'étais. Je me suis perdu, dans l'établissement. C'était sombre, un peu, et j'ai eu peur. Alors je me suis caché dans un coin, et j'ai pensé fort fort à papa. Comme quand j'avais peur des monstres sous le lit, et que papa venait me réconforter. Et là... Et là, il me l'a dit.

Je regardais mon fils, bouche bée. Impossible. Il ne pouvait pas...je ne lui avais jamais raconté que son papa s'était fait tirer dans le pied. Mais alors comment...oh mon dieu. Il fallait que j'en parle à Sam, ou à Aleksa...Problème: ces deux-là étaient introuvables depuis notre retour. Peut-être bien qu'ils boudaient à cause du fait que nous ayons refusé de les emmener?

-C'est bien mon bébé, de penser à ton papa. Et s'il te parle, et bien écoute le mais...mais n'oublie pas que ce n'est peut-être pas la réalité. D'accord?

Soudainement, les yeux d'Ethan se remplirent de larmes. Il se défit des bras de sa mère, et sauta en bas du lit. Il piétina alors le sol de ses petits pieds, agitant les bras dans les airs.

- Je le sais, moi, que c'est la réalité !! Même toi, tu me crois pas. C'est pas juste ! Je le sais, que papa il me parle ! C'pas juuuuste !

Il s'enfuit en courant vers la porte, et l'ouvrit à la volée. Il s'arrêta alors sur le seuil, se retourna vers sa mère et ajouta:

- Et puis... puis... Chuis PAS ton bébé !

Il partit alors dans l'établissement en courant et pleurant. Il était certain, plus que tout, que c'était vrai. Mais il se sentait surtout très seul, dans toute cette histoire. Avec personne pour l'appuyer, croire en lui, et lui dire que tout était vrai. Du haut de ses quelques petites années, il ne faisait pas très crédible. Les adultes, ils pensaient toujours tout savoir. Mais c'était pas vrai.
Il s'assit le dos contre un mur, et ramena ses genoux contre lui. Il ferma alors les yeux, commençant à se balancer légèrement, d'avant en arrière.

- Papa... Papaaaa...

Il y resta longtemps. Longtemps, jusqu'à s'endormir. Et en s'endormant, il était plus rassuré. Car pour la première fois, alors qu'il hurlait en direction de son père, qui s'éloignait dans son rêve... celui-ci se retourna. Et sembla l'apercevoir au loin.

Je m'étais éloigné le plus possible du campement, et m'étais caché dans les bois, où je dormais présentement en attendant de trouver le moyen de rentrer. Et dans mon sommeil, je cru entendre la voix de mon garçon. C'était trop beau pour être vrai. Mais je le cherchai quand même dans tous les sens. Je devais le voir. Me rassurer. J'allais le revoir, bientôt, en chair et en os. Mais en rêve, ça ne pouvait pas faire de mal non plus... Il était là-bas. Oh, si loin... Mon dieu, si loin. À tant d'années d'ici ! Et même pas dans le même pays non plus. Mais j'allais le revoir, il le fallait.

Je ne vis pas mon fils quitter la pièce en courant. Trop dur. En revanche ses mots, eux, me touchèrent comme une flèche en plein coeur. Trop durs. Il était mon bébé, et il le serait toujours. Même à 50, 60 ans. Il serait mon bébé, et je l'aimerai toujours autant. Toujours. Mais lui, un jour, à ses 15 ans, il me traiterait de vieille hystérique, il commencerait à me cacher ses amis, ses amies. On allait s'engueuler sérieusement jusqu'à ce que je renonce à le voir fumer, boire, coucher, sortir. Mais je l'aimerai toujours autant, car plus c'était impossible.

-Mon bébé...Sam, qu'est-ce qu'on a fait?, murmurai-je en m'allongeant en boule sur mon lit.

- Qu'est-ce qu'on a fait ? On a merdé. On va pas revenir là-dessus. Maintenant, qu'est-ce qu'il a, ton bébé ?

Surgis de nul part - ouaiis, il était passé par la porte - Sam se posa tranquillement sur le lit et coucha à côté de lui le beau petit garçon endormi qu'il avait trouvé dans le couloir. Eh oui, Sam boudait sérieusement depuis quelques temps, mais cette fois, il trouvait que quelque chose n'allait vraiment pas, et il avait gentiment décidé de se pointer pour mettre ça au clair. Il voulait surtout éviter de se montrer devant Ethan, pour ne pas le troubler encore plus qu'il ne l'était déjà. Le petit n'avait pas vu son père depuis un moment, et sa ressemblance frappante avec Jason ne pourrait que le faire souffrir plus, selon lui.

- Il commence déjà une crise d'adolescence, à son âge !?

Petite touche d'humour ratée. Il voulait juste détendre l'atmosphère...

Dès que Sam eut déposé Ethan à côté de moi, ce fut automatique, je le serrai contre moi en inspirant son odeur à fond. Dans son sommeil, les traits du petit ange perturbé se détendirent et il passa même lentement ses bras autour de mon cou. Rassurée, je déposai un baiser sur son front et me tournai alors vers son père. Son père. Son vrai père, son géniteur. Oh mon dieu. Quelle horreur de présenter ça de cette manière.

-Non. Son père lui manque, tu peux comprendre j'imagine? Et...plus étrange il...lui parle. Il lui dit des choses qu'il n'aurait pas put inventer. Impossible.

- Oui, ça je peux le concevoir. Mais... Il lui parle ? Je veux dire... C'est possible, ça ? Il est dans une autre époque, dans un autre pays, et il communique avec son fils ?

Il passa lentement sa main dans les cheveux d'Ethan et poussa un léger soupir. Disons que ça dépassait ses connaissances. Y'avait qu'Aleksa, pour comprendre ce genre de chose. On dirait qu'elle savait à peu près tout ce qui concernait les âmes, leurs relations avec les humains et les créatures engendrées par de telles relations. Elle pourrait sûrement comprendre, elle.

- C'est peut-être... un don ? Peut-être qu'il parle aux esprits, comme les madames à la télé ? ... Oh non, oh non, faut pas dire ça. Faut pas dire ça. Jason est pas mort, je l'aurais senti. Il me semble. Oh...

- Papaa... soupira le petit en se collant plus contre sa mère.

Enfin, du sommeil à peu près paisible. Pauvre garçon, ça allait lui faire du bien ça.

-Peut-être est-ce parce qu'il...parce qu'il a...qu'il est...à moitié toi.

Tout en caressant doucement la joue de mon fils, je tournai la tête vers l'extérieur. Je ne savais plus quoi faire, quoi penser. Franchement, tout cela me dépassait. Je voulais juste que mon fils soit normal, et que Jason revienne pour qu'il grandisse aussi dans une famille tout ce qu'il y a de plus normal...enfin, dans la mesure du possible quoi.

-Mais tu sais, je ne regrette pas. Je veux dire...c'est toi qui m'as donné ce fils et il est...enfin, je n'en aurait pas voulu un différent.

- C'est vrai qu'il est... il est génial, en fait.

Il posa un regard attendri sur l'enfant qui remuait légèrement les doigts en soupirant à l'occasion, dans un joli petit sommeil d'enfant tout meuugnon.

- Si ton hypothèse est vrai... Alors à cause - ou grâce - à moi, il pourrait... communiquer avec Jason ? ... C'est bizarre. Mais en même temps, après tout ce qu'on a déjà vécu d'anormal et étrange, ce serait pas impossible !

Soudain, Ethan ouvrit les yeux en se redressant. Il s'étira un peu, observant les alentours. Et il déclara alors en se levant d'un bond:

- Papa arrive !! Y m'la dit ! Au parc !

Il couru à toute vitesse vers le parc, le plus vite que ses petites jambes le lui permettaient. Sam jeta à Ariane un regard incrédule, hésitant un peu. Ils devaient faire quoi, là ?

En voyant mon fils détaler comme un lapin, je décidai d'agir. Je ne croyais pas que mon fils ait une imagination assez débordante pour inventer tout ça, et ça ne lui ressemblait pas non plus de mentir...il semblait tellement excité! Sans plus attendre, je sortis de la chambre à mon tour en courant, le coeur battant à tout rompre. Il avait dit que Jason arrivait, et si c'était vrai...oh mon dieu, ce serait le jour le plus heureux de ma vie, ou presque.

-Ethan!?

Je le cherchai des yeux, essayant de deviner où il avait bien pu se rendre dans le parc immense de l'académie.

En fait, il n'était pas allé bien bien loin. Il s'était arrêté à quelques mètres de là et observait partout autour avec un air découragé. Il y avait bien trop de cachettes ! C'était trop dur, il ne pouvait pas deviner ! Il s'assit donc à même le sol, ses genoux ramenés contre lui, et ferma les yeux.

- Dans le parc, papa, mais où ? Où, dans le parc ?

Il se balançait un peu, sous le regard médusé de Sam, qui n'y comprenait plus rien. Alors c'était ça, sa technique de communication. Actuellement, il parlait à Jason ?
... Ok, alors ça, c'était bizarre. Surtout plus quand Ethan se releva et regarda sa mère, l'air ravi:

- Maman, papa veut que j'te dise qu'il est à l'endroit de l'arbre mutant. Et qu'il aurait besoin de quelqu'un pour le transporter à cause de son pied... et... attend, ya autre chose !

Il referma les yeux, se concentrant fort fort.

- Il veut... Il dit... Je comprend pas bien... Si vous l'assommez, il va se venger. Quelque chose comme ça.
- Ahah, comme quand Chriss lui avait écrasé son poing sur le crâne pour le ramener à l'Académie avec son bras cassé ! HAHAHA !! =D

Il se précipita vers le petit et le prit dans ses bras, le faisant un peu tourner dans les airs.

- Ahhh, tonton Sam est super fier de touua !
- Ouii, mais là faut aller sauver mon père...
- ... Et tu vas devenir un grand homme, comme ton papa. Et comme tonton aussi !
- On peut y aller... ? -.-
- Ça me rappelle la fois où...
- VEUX DESCENDRE !!

Sam écarquilla les yeux, puis sembla enfin comprendre et reposa Ethan par terre. Il s'empressa d'aller prendre la main d'Ariane, et de la tirer un peu.

- Go, go, go !!

Avant de partir avec Sam, je me tournai vers Ethan et pris son menton entre mon pouce et mon index, le regardant sérieusement.

-Tu vas rester ici, d'accord?
-Mais mam...
-Ethan! Ethan, je suis sérieuse. En plus, il y a plein de petites bêtes dans la forêt! Et des grosses aussi!

Et voilà, j'étais maintenant rassurée, jamais il ne nous suivrait à la recherche de Jason. Je me retournai une dernière fois vers mon fils avant de suivre docilement Sam, à la fois heureuse et stressée de revoir mon Jason. Dans quel état était-il?

Sam jeta un dernier coup d'oeil vers Ethan, qui s'était assit à l'endroit où nous l'avions laissé, et qui nous attendait déjà. Hooon, pauvre petit, il se sentait mal de l'abandonner derrière. Vite, fallait accélérer le pas, pour le perdre de vue.

- Pas croyable... Si on le trouve vraiment là-bas... C'est pas croyable. Oh mais attend ! C'que j'suis bête !
"Jason ??"
"Bon il était temps que t'ouvre ton esprit à la communication ! Jte hurle dessus depuis cinq minutes ! Bon écoute, vien me chercher, j'suis à..."
"À l'endroit où y'avait l'arbre mutant, je sais. Aussi, tu veux quelqu'un pour te transporter vu que t'as le pied blessé. Et tu nous tue si on t'assome. C'est bon, reçu 5 sur 5."
"... wow ?"
"Ethan qui nous l'a dit"
"Quoi !? Comment ??"
"Il t'entendait. Tu le lui as dit. Tu lui as parlé ?"
"... Pas directement. Je pensais simplement à trouver un moyen de vous rejoindre. J'avais une drôle de sensation, je pensais que ça venait de toi, alors j'ai essayé de te parler. Mais tu répondais pas."
"Ben ton fils a officiellement tout capté, lui !"

Il fit signe à Ariane de le suivre et se mit à courir. Ils n'étaient quand même pas si loin de l'Académie, ç'aurait pu être pire, mais c'était quand même quelques minutes de course, faut dire. Et Jason avait mal, alors ils devaient arriver le plus vite possible. Il s'arrêta rendu tout près et entraîna Ariane hors du sentier.

- Hey, Jay ?
- Enfin c'est pas trop tôt... !
- Jason !

Il couru vers le jeune homme assit le dos contre un arbre.
Je ne semblais pas en si mauvais état. Mes cheveux, qui avaient déjà un peu repoussés depuis que la femme me les avait coupés, étaient en bataille et très sales, de même que ma peau. Enfin, tout mon corps entier était couvert de poussière et de terre. J'avais l'air pas si mal, et souriait un peu, mais ça se gâtait définitivement rendu au pied. Même si ce n'était pas visible comme ça, à cause de ma botte, moi je savais l'ampleur du dégat. D'ailleurs, lorsque Sam enleva ma chaussure avec délicatesse, c'est presque une piscine de sang qui s'en échappa. Il lâcha même un cri surpris, vidant la botte d'un flot traumatisant de liquide rouge sombre. Ma chaussette était imbibée de long en large. J'avais eu le pied flottant dans le sang pendant de longs moments. Et c'était vraiment dégeulasse. Mais le pire était encore derrière la chaussette.

- ... Ça... ça le fait encore. La sensation. On dirait que quelqu'un cherche à pénétrer mon esprit, c'est vraiment... étrange. Sam, je fais quoi !?
- Parle-lui.
- Quoi ? Euh... à voix haute ?
- Dans ta tête. Ou les deux à la fois, en autant que tu y penses, je crois. Dis-lui que tu vas bien.

Un peu septique, je me concentrai néanmoins à penser "Je vais bien, Ethan. On se revoit tantôt". En espérant qu'il capte... À en croire Sam, il y arriverait très bien.

Je me retins de justesse de me jeter dans les bras de Jason lorsque je le vis adossé à cet arbre, en vie. En vie et conscient, qui plus est. Mais malgré cela, je ne pus que me faire du soucis quand Sam lui enleva sa chaussure et que je vis tout ce sang. C'était incroyable, son pied semblait encore plus mal en point que lorsque je lui avais enlevé la balle! Il faut dire qu'avec tout ce qu'il avait fait subir à sa blessure...

-On devrait se dépêcher de rentrer. Tu parleras à Ethan en vrai plus tard, une fois soigné.

Pour illustrer mes propos, je me penchai et lui pris un bras pour l'appuyer contre mon épaule. Si Sam prenait ses jambes, nous pourrions le transporter un moment avant d'être essoufflés, dans cette position. Profitant de la proximité du visage de Jason, je déposai un long baiser sur ses lèvres tout en caressant ses cheveux sales et rebelles. Il était...plus beau que jamais, ouaip. Je le redécouvrais comme si je le rencontrais pour la première fois, et je me rappelais soudain que j'en étais amoureuse. Je n'avais pas oublié, ça non! Je prenais juste plaisir à m'en rendre compte encore et encore.

Je passai mon bras autour de ses épaules en faisant attention quand même de ne pas trop m'appuyer sur elle. Je laissai Sam me prendre les jambes, remarquant l'effort qu'il faisait pour ne pas toucher à mon pied blessé. Souriant contre les lèvres d'Ariane, je lui rendis son baiser avec une grande tendresse. J'en avais besoin plus que tout. Seulement quelques jours, et déjà elle me manquait comme ce n'est pas possible. Je voulais la sentir le plus près possible de moi.

- Je t'aime.
- Ouais c'est bon, mais là faudrait peut-être y aller. Mine de rien, t'es lourd !

Je lui tirai la langue et lui fit signe d'avancer, restant tout collé contre Ariane, qui me soutenait le haut du corps.

Je souris en entendant la remarque de Sam, qui n'était pas si stupide que ça d'ailleurs. Jason était lourd, et on n'avait pas intérêt à le lâcher en chemin. C'est pourquoi je le tenais fermement, faisant même très attention où je mettais mes pieds. C'est vrai quoi, quand on est une boulette pareille et qu'on transporte un blessé...bref.

-Ethan va être tellement mieux maintenant que tu es là...je ne le reconnaissais même plus!

Et pendant le trajet du retour à l'académie, je racontais à Jason le comportement étrange de notre fils, ses crises de panique et sa capacité à savoir où était son papa et ce qu'il faisait. Et miracle, nous arrivâmes tous en un morceau au parc.

J'écoutai attentivement Ariane tout au loin du trajet. La description qu'elle me faisait du comportement d'Ethan était assez alarmante, de sorte que je m'inquiétai même si elle me dit qu'il irait mieux avec mon retour. De savoir que mon absence lui avait infligé ça me faisait me sentir mal. En arrivant là-bas, je demandai à Sam et Ariane de me déposer. Je me laissai tomber à genoux, et écartai les bras. Le visage d'Ethan s'illumina lorsqu'il nous vit et il couru le plus vite qu'il pouvait pour foncer vers moi. Il me sauta dans les bras, et je le serrai le plus fort que je le pouvais. Il pleurait; j'avais du mal à m'en empêcher, de mon côté.

- Oh mon ange... mon booo bébé...
- Ahh non, pas toi aussi ! Maman, elle dit toujours que chuis son bébé !
- T'es mon bébé à moi aussi alors !
- Mais chuis plus un bébé !
- C'pas grave, tu seras toujours notre booo bébé pareil.
- Même quand je vais avoir... 100 ans !?
- Euh... ouais ^^
- Papa... C'quoi çaaa O_o

Il me montra sa petite main, rouge de sang. Il baissa alors les yeux, remarquant mon pied, s'affolant alors que j'essayais de le rassurer sur le fait que j'étais correct.

Ethan était soudainement devenu si pâle que je ne pus m'en empêcher, et vint immédiatement à son secours. Je le soulevai rapidement dans mes bras et l'éloignai un peu de son père, consciente que le sang le terrifiait plus que tout. Le pauvre petit était tremblant et semblait sur le point de rendre son déjeuner; Sans parler du fait qu'il était en train de pleurer parce qu'il avait peur pour son papa.

-Sam, emmène Jason jusqu'à l'infirmerie s'il te plait...je vais ramener Ethan dans sa chambre, lançai-je en m'éloignant rapidement, mon fils accroché à moi.

- Oh... Ethan...
- Allez viens.
- Mon boooo bébéééé !
- Arrête un peu, Ariane s'en occupe, il va être correct.

Il me releva et je passai mon bras autour de ses épaules, le suivant en sautant sur un pied en direction de l'infirmerie. Rendu là, je m'installai sur un lit. En voyant l'air absolument découragé de l'infirmière, je lui adressai un large sourire content. C'est vrai que je revenais tout le temps blessé, massacré, complètement mort quoi ! Et cette fois-ci ne faisait pas exception à la règle. Espérons qu'elle soit plus sympa que la dernière fois...

- Bon, il s'agit de quoi cette fois-ci ? gronmela-t-elle en s'approchant.

Je retirai ma chaussette et lui montrai gentiment mon pied. À voir son visage, c'était horrible. Moi, j'osais pas regarder. Sam, de son côté, semblait épaté.

- Waoow, ça va te faire une superbe cicatrice de guerre ! Ça attire les femmes, ça...
- Huh huh.

Pour une fois, Ethan ne protesta pas quand je lui proposai de faire une petite sieste en pleine journée. Il avait le front couvert de sueur et les traits crispés par la fatigue, ce qui m'avait conforté dans mon idée de l'obliger à récupérer un peu. Je lui assurai que son papa allait bien, et qu'il viendrait le voir dans pas longtemps.

Je m'apprêtai à partir quand sa petite main s'accrocha à mon bras. D'une voix suppliante, il me demanda de rester dormir avec lui. Au cas où il fasse d'autres rêves, disait-il. Et oui, je suis peut-être une mère qui passe tout à son fils, mais je ne pus que rester à ses côtés. Mon bébé.

J'avais un peu compris le principe du... pouvoir d'Ethan. Alors je pris une chance et lui envoyai un "bon dodo" mental, au cas où il le capterait. Puis, je calai ma tête dans les oreillers moelleux de mon lit et fermai les yeux. Je relaxai quelques instants - quelques instants seulement !! - puis l'infirmière commença à s'occuper de mon pied. La demi-heure suivante ne fut que douleur et cris. Sam décida même de s'en aller parce qu'il en avait marre de m'entendre. Finalement, je m'endormis seulement un peu plus tard, en marmonnant le nom d'Ariane dans mon sommeil. Elle me manquait, moi !

Une fois mon fils calmement endormi, je l'avoue, je ne pu m'empêcher d'aller rendre visite à Chriss. Il était assis dans un fauteuil, en face de la fenêtre. Je le devinai pensif, même s'il ne me faisait pas encore face.

-Hello, y'a quelqu'un?
-Oh, Ariane? Viens, viens par ici!

Je m'exécutai, me rendant compte au passage qu'il tenait l'un des jumeaux dans ses bras. Je crois qu'il s'en voulait d'être parti si tôt et de ne pas les avoir vu grandir. A présent, ils étaient capables de se tenir assis et de rester ainsi quelques secondes avant de tomber à la renverse et ça, c'était douloureux pour lui. Il aurait voulu être là pour leur apprendre. Mais bon, ce qui était fait était fait.

Je me réveillai un peu plus tard, voyant s'agiter devant moi une petite main. J'ouvris les yeux, et découvrit, penché sur moi, le plus beau visage du monde. Appartenant au plus beau, au plus formidable petit garçon du monde. Mon dieu. Cela faisait relativement peu de temps que j'étais parti, et pourtant, il me semblait déjà voir bien changé. Je le pris contre moi, frottant un peu ses cheveux en bataille. Il me souriait, sans dire un mot. Je devinai qu'il s'était sauvé en douce de sa chambre, car Ariane aurait sûrement été avec lui sinon.

- Je t'aime fort fort, tu le sais ça ?
- Moi aussi je t'aime. Mais dis, papa...
- Oui ?
- Thomas, l'autre jour, il parlait tout seul. Et puis je lui ai demandé, et il parlait à... à son âme. Et le professeur, il nous l'a dit, c'était quoi. Moi, je vais avoir une âme, aussi ?

Je ne sais pas trop s'il remarqua mon profond désarrois suite à sa question toute innocente. Il me regardait avec espoir, les yeux brillants. Et mon coeur se serra à l'idée de lui avouer cette triste vérité. Je ne voulais pas briser cet enfant... Pitié, nooon...

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