Sunday, Bloody Sunday

Étant droitière et étant également à droite de Jay, elle ne s'empêcha pas de laisser sa main sur la cuisse de son copain en mangeant avec joie.

Le jeune homme sourit et commença à manger avec appétit. Il finit son assiette avant tout le monde et se leva pour aller se resservir. Il vit alors que tout le monde le regardait.
- Bah quoi ? J'ai faim...
Maria secoua un peu la tête en riant, et Jay eut un large sourire amusé.

Nathalie rit un peu aussi mais fut coupée par les cris de Michael qui dormait auparavant dans le parc installé dans le salon.
-... Désolée.
Elle rit à nouveau en se levant.
-Lui aussi, il a faim !

- Haha encore un truc qu'il tient de son pôpa! Il est toooujours affamé! rigola Jay en se rassoyant, continuant de manger tandis que Nathalie allait nourrir le bébé. Maria et Jean s'échangèrent un large sourire. Ils était tellement contents de garder le petit pour le reste de la journée, c'en était fou !

Nathalie redescendit une vingtaine de minutes plus tard. Déjà, ils étaient tous au salon. Le bébé dormait.
Avec une joie presque comique, Nathalie alla déposer le bébé dans les bras de Jean avant de s'asseoir sur les cuisses de Jay.

Jay entoura sa taille de ses bras et lui sourit, avant de regarder son père. Celui-ci avait haussé les sourcils et, avec un sourire heureux, tenait Michaël un peu maladroitement. Maria rit un peu et l'aida à placer son bras comme il faut.

-Il me fait penser à toi... fit Nathalie à Jay en observant Jean avec un sourire.

- Pour vrai ?
Il tourna les yeux vers elle avec un sourire, la regardant.

Les deux adultes semblaient totalement fou du petit bébé et ne se lassaient pas de le regarder dormir. Ils en avaient presque oublié la présence de Jason et Nathalie.

Elle hocha la tête.
-Bien sur, pour vrai...
Elle lui sourit.
-Tu veux qu'on rentre à la maison maintenant ?

- Oui... On devrait y aller.
Déjà un peu moins souriant, il se leva.
- M'man, on va y aller nous...
- Oh, je suis sûre que tout va bien aller mon chéri! répondit aussitôt Maria en lui adressant un large sourire encourageant.
Il hocha un peu la tête et prit la main de Nathalie, l'entraînant vers l'entrée.

Nathalie salua ses grands parents puis alla enfiler manteau, bottes, mitaines et tuque dans l'entrée, sans dire un mot.

Une fois prêt, Jay sortit à l'extérieur avec elle, monta dans la voiture et démarra. Il semblait nerveux à présent, et ses mains serraient fortement le volant. Il gardait les yeux fixés sur la route, mais il semblait ailleurs.

Elle ne dit toujours rien. Elle savait bien que le cerveau de Jay fonctionnait très vite et qu'une foule de pensées y venait et elle ne voulait pas l'interrompre.

Ils arrivèrent bientôt chez eux et Jay arrêta la voiture. Il débarqua, attendit que Nathalie ait fait de même et l'entraîna vers la porte qu'il déverrouilla. Une fois à l'intérieur, il se tourna vers elle et la regarda, l'air un peu inquiet.
- Nath... Je fais quoi s'il est violent ? Qu'est-ce je peux faire, comment j'agis avec lui... ?

Nathalie soupira et lui caressa le dos.
-Agis avec lui comme avec une personne normal, mais avec moins de chaleur. Sois un peu froid, qu'il comprenne qu'il t'a beaucoup blessé... S'il est violent, mon amour, j'appelerai la police. Si tu veux qu'il s'en aille et qu'il ne s'en va pas, on appelera la police.

- D'accord...
Jay soupira un peu et se traîna les pieds jusqu'au salon, se laissant tomber sur le divan. Il fit asseoir Nathalie sur lui et la serra tendrement dans ses bras, accotant sa tête contre la sienne.

Elle passa doucement ses mains sur les bras de Jay d'un geste qui se voulait réconfortant. Elle aussi, elle stressait à mort. Les bras de Jay lui apportaient néanmoins un assez grand réconfort. Qu'est-ce qui se passerait, en effet ?...
Elle ferma les yeux sous un souvenir affreux...

-Mesdames et messieurs bonsoir, bienvenue au Téléjournal. Aujourd'hui, dans la ville de St-Charles, on a arrêté celui qu'on appelait «Le Vautour du Centre». Cet homme était en effet Jean Dubois, un quincailler de Drummondville, une ville voisine à celle où il habitait. Cet homme, au dessus de tous les doutes, n'auraient jamais pu, selon ses connaissances, faire de telles choses.
«On aurait jamais cru ça possible, dit une dame du voisinage. C'était un M'sieur tellement gentil. Sa femme était toute douce pis son fils y'était bin fin itou. Pis sa fille... Sa fille 'a va à l'école a'k la mienne !»
Rappelons que «Le Vautour du Centre» est accusé de plus de soixante viols sur des adolescentes entre 12 et 17 ans, toutes de la région. Les viols ont été commis entre juin 2005 et décembre 2006.

Elle pensa à tous les problèmes que le père de Michael avait pu lui causer...

Jay resta ainsi immobile un long moment, dans un silence total. Il était tellement perdu dans ses pensées qu'il sursauta violament quand on cogna à la porte. Le coeur battant, il se décolla légèrement de Nathalie et la regarda avec un air un peu horrifié. On cogna à nouveau. Cette fois, Jason prit une profonde inspiration pour se calmer et se leva lentement. Il s'approcha de la porte, tendit une main tremblante vers la poignée... puis ouvrit la porte.

L'homme qui se tenait devant lui était presque identique à celui de ses souvenirs. Il avait l'air un peu plus vieux, avait plus de cheveux gris, mais il dégageait encore ce petit je ne sais quoi qui avait toujours terrorisé Jay quand il était gamin. La seule chose qui avait changée, c'est que Jay le fixait maintenant directement dans les yeux, sans devoir lever la tête comme quand il était petit. Il était rendu tout aussi grand que son père, avait une carrure dans le même style que celui-ci. Il y eut un long moment de silence, les deux hommes ne faisant que se toiser.

Un peu inquiète, Nathalie tendit la tête pour observer l'homme et elle accusa le choc : Jay lui ressemblait quand même beaucoup. Elle s'approcha timidement pour défaire le sentiment étrange qui étaient autour d'eux.
Elle ne tendit pas la main : elle aussi, après avoir cotoyé la violence à l'école, savait la distinguer chez les gens.
-Nathalie, dit-elle simplement pour se présenter.

L'homme la salua d'un signe de tête. Jay s'écarta finalement pour le laisser entrer referma la porte derrière lui et attrapa le téléphone sur le comptoir, le lançant à Nathalie. Son père sembla comprendre, car il se figea un instant, avant de se diriger vers le salon. Il n'avait toujours pas dit un mot, et Jay non plus d'ailleurs. Il s'assit sur le divan, et son père s'installa en face.
- Tu as grandi... dit-il enfin.
Jay hocha un peu la tête. Il ne savait pas quoi dire et préférait attendre que son père commence la discussion. Le silence qui régnait le rendait cependant mal à l'aise et il le brisa en demandant:
- Qu'est-ce que tu veux ?
L'homme haussa légèrement les sourcils et dit à mi-voix, sans répondre à la question:
- Tu as changé, Jason... Et je vois que tu es quelqu'un de bien...

Nathalie, pas très à l'aise de les laisser seuls tous les deux, alla s'asseoir à côté de Jay et lui prit la main. Elle ne dit rien, regardant elle aussi le père de Jay.

Finalement, l'homme se lança:
- Je suis réellement content de voir que ce tu es devenu, Jay. Tu étais un petit garçon très intelligent, je le reconnais, et malgré ce que je t'ai fait endurer... malgré tout... ce que tu as vécu...
Il marqua une légère pose. Jay le regardait en se mordillant un peu la lèvre, sans rien dire.
- ... tu en es rendu là. Aux études, une jolie copine et un bébé...
Jay fronça les sourcils aux mots "jolie copine". Il serra un peu plus la main de Nathalie dans la sienne, et son père rit un peu.
- Voyons, ne vas pas croire que je veux...
- On est jamais trop prudent avec les hommes dans ton genre, le coupa brutalement Jason.

Nathalie caressa doucement la main de Jay avec son pouce et lui sourit. Elle n'avait pas très peur.
Elle remonta ses manches longues, laissant très visibles ses affreuses cicatrices. Elle aimait l'impression que celles-ci laissaient chez les gens parfois, une impression de peur. Ils avaient peur et souvent étaient impressionnés par le petit bout de femme extraordinaire et jadis si éprouvé qu'était Nathalie. La sensation était grande à coup sur.

Jay esquissa un sourire en voyant le regard de l'homme qu'il ne considérait même plus comme son père se poser sur les bras de Nathalie. Pendant un moment, il ne dit rien. Puis, il déglutit avec une difficulté évidente et dit:
- Je crois que je dois t'expliquer quelques petites choses...
- Effectivement.
Jay soutient son regard sans ciller, jusqu'à ce qu'il détourne les yeux.
- Sache, Jay, que ce n'est pas parce que je ne t'aimais pas que je faisais ça... J'avais des problèmes...
Jay se retient de répliquer "Mais oui, mais oui...". C'était préférable de ne pas le mettre en colère.
- J'aimais ta mère aussi... Seulement...
- Seulement tu l'as tuée à coup de couteau... Mmm, quelle démonstration d'amour...
Le père poussa un profond soupire.
- Jason, il faut que tu me crois.
- Je ne vois pas pourquoi je te croirais. T'es qu'un salaud. ET T'AS TUÉ MA MÈRE !!

- M'man, je suis rentré...!
Le gamin enleva ses bottes, son manteau et sa tuque. Il posa son sac d'école dans l'entrée et cria à nouveau:
- Maman? Papa?
Son père n'était visiblement pas là. Le garçon, âgé d'à peine 7 ans, commença à s'inquiéter. Il monta à l'étage en courant, et soudain, des sanglots étouffés lui parvirent.
Il s'approcha lentement de la porte de la chambre de ses parents et l'ouvrit, restant sur le bord de la porte.
Sa mère était assise sur le lit. En la voyant, il alla aussitôt s'asseoir près d'elle et l'enlaça un peu maladroitement, lui frottant le dos en disant à mi-voix ce qu'elle lui disait chaque fois qu'il avait de la peine:
- Ne pleure plus, m'man... Tout va bien, je suis là...
Sa mère tourna la tête vers lui en esquissant un faible sourire. Sa joue droite était rouge, un peu violacée.
- Quelqu'un t'a frappée? demanda aussitôt le petit.
La femme savait que son garçon était très intelligent. Ça ne servait à rien de lui mentir.
- Oui, mon chéri...
- Qui ? voulu-t-il savoir.
La mère prit une profonde inspiration puis murmura:
- Ton père.

Nathalie serra doucement le bras de Jay.
-Ça ne sert à rien de l'insulter, mon chéri. Je crois... Je crois qu'il est au courrant... de ses défauts.

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