Malgré tout... [Bridgess]

Ses pieds flottaient presque dans l'herbe, tant elle se déplaçait avec grâce. On ne voyait pas souvent des gens de son rang, ici, au Champ de l'Alouette. Oh oui, il savait que sa famille, les Delacroix, possédait la petite maison en bois à la lisière de la forêt, celle qui valait bien plus que toutes les autres maisons du Champ de l'Alouette ensembles. Mais il n'avait jamais vu un Delacroix, sauf la dame Françoise, la tante de cette toute nouvelle beauté. Quel âge avait-elle ? Douze ans, peut-être ? Elle semblait plus jeune que lui, qui avait atteint au début de l'été ses seize ans. Bien plus jeune. Mais elle avait un drôle de quelque chose. Il ne croyait pas voir cela chez une demoiselle de son rang... Un espèce de sens de l'aventure surprenant dans son allure, une étincelle de rébellion dans ses yeux... Tout comme lui. Elle semblait aspirer à une vie tranquille, loin de la bourgeoisie, alors qu'il enviait les riches qui pouvaient tout se permettre... Ou presque.
Durant cet été, il l'approcha souvent, lui parla chaque fois qu'il en était possible, lui fit découvrir tous les secrets du Champ de l'Alouette. Charlotte, la jeune fille avec qui il se marierait sans doute, puisque c'était la seule de son âge dans tout le champ de l'Alouette, semblait en colère de cette intrusion à sa vie privée, celle qu'elle prévoyait avec lui depuis qu'ils avaient l'âge de jouer au prince et à la princesse.
Il apprit tout d'elle, tout ! : ce qu'elle aimait, ce qu'elle détestait, ce qu'elle avait vécu, sa famille, ses amis... Tout. Et il aimait tout avec une tendresse folle, égarée, stupide peut-être, mais bien involontaire.
Durant ce fol été, quelque chose d'étrange s'était incrusté. Quelque chose qu'il n'avait jamais connu auparavant. Quelque chose qu'il trouva finalement être ce dont il avait toujours rêvé, le but ultime de la plupart des hommes sur cette Terre.
L'amour.
Il savait qu'elle aussi l'avait reconnu. Nul doute ne pouvait survivre. Ils s'aimaient sans doute. Elle était jeune et belle, il était jeune et beau, ils étaient heureux... Mais un monde les séparait. Le monde de l'argent, de ceux qui vivent dans un palais en marbre et ceux qui vive dans une maison de bois et travaillent pour la garder.
Ils s'étaient revus l'été suivant, toujours avec tendresse, mais ne se l'avouant pas. Elle était encore jeune : elle aurait quatorze ans au moins de septembre suivant. Ils avaient encore tout leur temps...

Le billet arriva le 13 décembre de l'an 1609. Il venait tout juste de penser à elle, songeant que l'été prochain n'arriverait jamais assez tôt !
Le coursier à la poste l'informa qu'il venait de Paris. C'était étrange, car elle ne lui écrivait jamais, d'habitude. Pourtant, il était certain de reconnaître sa jolie calligraphie, ces jolis mots qui ressemblaient à des peintures, tant les lettres lui semblaient belles et captivantes !
Il l'ouvrit donc. Et son moral tomba plus bas qu'il n'y avait jamais été.
C'était un faire-part. Un faire-part de mariage.Il laissa tomber le faire-part au sol. Et il s'enfuit dans le champ de blé derrière chez lui.
Il s'assit au bord de l'eau et soupira. Si vite, déjà ! À l'heure qu'il était, six heures, le mariage devait sans doute commencer. Son amour à lui, sa douce à lui, se marier ?
Comment avait-il pu ignorer que cela arriverait un jour ? Elle lui avait pourtant expliqué : les filles de son rang social n'avait pas le privilège de choisir leur époux.
Mais elle n'avait que 14 ans !
Son coeur se serra, se rappelant les derniers mots qu'ils s'étaient dit :

«Vous m'aimez, n'est-ce pas ?
-Oh oui, lui avait-elle répondu, je vous aime plus que je ne m'aime !
-Alors revenez pour la Noël !
-Ludovic, vous savez bien que...
-Essayez, au moins !»
Elle l'avait regardé avec le plus beau des regards.
«J'essaierai jusqu'à la dernière infime parcelle d'espoir, Ludovic.
-Je vous attendrai.
-Je brûlerai toujours d'amour et de désir pour vous.
-J'en ferai tout autant...»

Et elle était partie.....

Un paquet de domestiques tournaient autour de la
belle Lady Lily, tandis que plusieurs dames s'occupaient à
insérer quelques boutons de roses dans sa longue tignasse dorée.
Les dames de la cour anticipaient déjà le moment où
la mariée allait faire son entrée sur place, vêtue d'une
somptueuse robe de soie et de dentelles blanches.

La jeune femme avait l'esprit ailleurs,
toutes ses pensées étaient occupé par son amant, celui
qu'elle avait rencontré lors de son séjour au Champ de l'Alouette,
alors qu'elle aurait dû aimer de tout son coeur l'homme avec lequel
elle allait unir sa vie, dans quelques minutes.
Quand pourrait-elle le revoir? Quand pourrait-elle
se blottir contre Ludovic une dernière fois?
Cela faisait si longtemps qu'elle ne l'avait pas vu, mais
son corps était encore empreigné de la trace de ses doigts
lorsqu'il posait une main dans ses cheveuxou tracait le contour
de ses lèvres d'un seul doigt.

On lui annonça que c'était l'heure. Elle fit un pas dans la salle.
Elle avançait vers son futur alors qu'elle aurait voulu rester
avec l'homme de son passé.

Elle entra finalement dans la salle,
son passage faisant tourner toutes les têtes de l'assemblée.
Elle arriva à la hauteur de son futur époux et leva la tête
vers lui, comme pour l'évaluer.
Les dames tenant sa traîne s'arrêtèrent elles aussi.
Le prêtre commença la cérémonie et Lily se sentit de moins
en moins confiante.

Elle tresaillit en sentant sa main contre la
sienne, mais n dit mot.
Le prêtre finit la cérémonie et annonça ses voeux
pour l'avenir de ce mariage.

- Vous pouvez embrasser la mariée! dit-il pour conclure.

Toute l'audience se mit àpplaudir.

Elle eu un léger mouvement de recul,
mais personne dans la sale semblait l'avoir aperçu.
Lily ferma les yeux, laissant ses lèvres contre
celles de Laurent.

Elle détourna son regard du sien, ne voulant
pas qu'il décèle ses sentiments si profonds.

Des hommes et des femmes les conduirent jusqu'à
la chambre nuptiale.

Ils arrivèrent dans la chambre et
les domestiques les laissèrent tranquille.
Une fois seule, Lily se tourna vers son nouvel époux.

- Je ne connais pas votre nom...

Ce nouveau nom lui fit un effet étrange.
Elle regarda le grand lit.

- Qu'avez-vous l'intention de faire?

Elle arqua un sourcil.

- Vous avez l'intention de coucher avec moi, là, maintenant?

Elle avait formulé sa réponse sans gène, avec tact.

Elle se raidit en entendant ces mots et alla
se changer dans la salle de bain.
Là, elle commença à se passer ses cents coups de brosses
habituels et entreprit d'enlever sa robe.
Au bout d'un moment, la fermeture clair
dans son dos bloqua.

- Sir Laurent, pouvez-vous m'aidez, cria-t-elle vers
la porte fermée.

Elle leva les yeux au ciel.

- Mais bien sur! Je vous connais depuis
à peine une heure. Bon, pouve-vous descendre cette fermeture
jusqu'à la moitié?

Lily écarta ses cheveux, dévoilant une
nuque d'un blanc d'ivoire.

Elle avait frissoné au contact de ses doigts,
mais avait gardé un air impassible.

- Vous avez terminé? demanda-t-elle sur
un ton léger, voyant qu'il s'était arrêté.

-Euh...
Il hésita un instant.
-Je crois....

Se disant qu'il allait partir,
elle laissa sa robe tomber à ses pieds,
restant en corset et en jarretières.