Sunday, Bloody Sunday

Jay sourit doucement et sans prononcer un mot, il commença à son tour à copier les réponses sur sa propre feuille. Il avait une belle écriture, pour un garçon. Il déposa son crayon une fois qu'il eut finit d'écrire et posa les yeux sur la jeune fille.
- J'y pense, je ne me suis même pas présenté... Je m'appelle Jay, mais tu dois déjà savoir ça...

Jay ne chercha pas à poursuivre la conversation. Il haussa simplement les épaules et regarda dans le vide pendant tout le reste du cours, en réfléchissant. Il voulait en savoir plus sur cette fille... Mais elle semblait s'être construit une carapace presque impossible à percer. Il soupira légèrement.

Le reste du cours passa assez rapidement, et lorsque la cloche sonna tout le monde se précipita hors de la classe. Jay se leva lentement, prit ses cahiers. Il jeta un regarda à Nathalie puis soupira et sortit pour aller directement à son casier. Il y lança ses affaires puis s'assit le dos contre celui-ci. Les gens l'évitaient un peu, désormais. Tant pis.

Jay sortit à son tour dehors, un sandwich à la main. Il le mangeait tout en marchant d'un bon pas vers une gang de gars. Il leur adressa la parole, ils discutèrent un peu puis ils rentrèrent tous à l'intérieur pour aller jouer au basket dans le gymnase. Jay les accompagna. Il était bon à ce jeu, très bon même, et quand il jouait, on pouvait voir à quel point il était musclé. Les filles capotaient, d'ailleurs, en le regardant faire.

Nathalie observa un long moment ce dessin. Elle avait l'impression d'avoir déjà vu cette scène à quelque part...

Elle avait 12 ans. Première année de secondaire. En entrant dans le gymnase, plusieurs personnes s'étaient mises à rire d'elle. Au début, elle n'avait pas compris pourquoi. Puis, elle avait vu la cause de la moquerie : Marie-Pier Morissette. Cette fille devait avoir trouvé une autre histoire pour enterrer Nathalie aux yeux de tous. Elle déglutit et baissa la tête alors que plusieurs lui lançaient insultes et objets. À quoi bon se défendre ? Cela n'arrêterait jamais.
Peu à peu, les rires et les gestes cessèrent. Elle ne comprit pas au début puis releva la tête. De l'Autre côté du gymnase, il venait d'apparaître. Michaël Dubois. Il était au top de la liste de ceux qu'on écoeurait à l'école. Et lui, c'est vrai qu'il n'avait rien fait. Son père, par exemple.
Donc, quand Michaël était apparu... Tous avaient lâché Nathalie. Mais pas pour rien. Parce que c'était plus amusant d'écoeurer Michaël Dubois.

Elle renifla un peu, remarquant que des larmes coulaient de ses joues malgré elle.

Soudain, une main se posa sur son épaule et la secoua un peu. C'était Jay. La partie de basket était terminée et il avait décidé de sortir voir Nathalie. Il remarqua qu'elle avait son dessin en main. Elle l'avait ramassé... ? Doucement, il s'assit à côté d'elle et demanda:
- Est-ce que ça va...? Écoute, je... Je veux que tu saches que je trouve ça vraiment stupide que les autres t'écoeurent. Et je sais ce que tu ressents. Je le sais vraiment... J'ai déjà vécu ça.

Il fronça les sourcils en la regardant.
- N'essaie pas. Ils disent tous ça, mais au fond, ça les dérange tous. Je n'ai pas l'air de quelqu'un qui est dérangé par ces insultes, et pourtant, ça me fait quelque chose en dedans. Je ne sais pas tout ce que tu as vécu, mais je trouve ça dommage que tu sois si refermée, si triste...
Il se mordit un peu la lèvre, passa une main dans ses cheveux puis poursuivit:
- J'aimerais apprendre à mieux te connaître. Tu me sembles être une fille super, mais qui a juste vécu trop de mauvaises choses dans sa vie.

Elle fronça les sourcils et leva les yeux vers lui. C'était qui, ce type ?
Elle haussa les épaules. Après tout, pourquoi se battre avec lui.
Elle soupira et détourna la tête sur le dessin et regarda l'arbre d'en face.

Elle partit en courrant de l'école. Aujourd'hui, quoi encore ? Un nouveau graffiti sur sa case. Looser. Elle en avait marre ! Pourquoi était-elle la seule à subir ce genre d'idiotie ?
Presque la seule, lui rappela son esprit.
Elle allait s'arrêter pour s'asseoir contre son arbre habituel mais quelque chose l'en arrêta. Ou plutôt, quelqu'un l'en arrêta. Quelqu'un avait OSÉ s'asseoir sur SON arbre.
Elle avança un peu dans l'intention de lui dire sa manière de penser mais s'arrêta net en voyant la personne en question.
Elle était très grande, mince (on aurait dit maigre, même !) portait une cagoule bleu électrique et ses cheveux bruns en bataille et frisés tombaient devant ses yeux. Il leva la tête et son regard bleus croisa les yeux noirs. Il eut un sourire désolé.
-Je... Tu as une bonne cachette, tu sais...
Elle l'avait longuement observer.
-Je sais... dit-elle. Mais tu l'as trouvée. Ce n'est plus une cachette...
Il haussa les épaules.
-Si tu veux... on peut la partager. Je ne le dirai pas à personne... En fait, je n'ai personne à qui le dire...
Ils avaient soupirer ensemble et elle s'était assise à ses côtés.

Jay n'ajouta rien, il était perdu dans ses pensées et regardait à l'horizon.

*BANG*
Ouch... Ça allait laisser un bleu... encore...
Il y était habitué.
Cela arrivait au moins une fois par jour. Cette fois, l'homme ne lui laissa pas une seconde de répit. Il l'attrapa par le bras, le tira vers l'arrière et le poussa à nouveau avec force. Il fit un deuxième face à face avec le mur.
Les mains le lâchèrent, et il s'effondra au sol, la lèvre en sang et les cheveux complètement en bataille. Son chandail déchirait laissait voir une longue coupure en travers de son torse, qui semblait avoir été faite par un couteau.
- DEBOUT !!
Le pauvre garçon bondit sur ses pieds, un peu chancelant. Un violent coup au visage le renvoya au tapis. Sonné, il resta étendu sur le plancher froid.
- Relève-toi ****** d'imbécile !! hurla le père.
Le garçon, alors âgé de 14 ans, releva la tête et foudroya son père du regard, un regard emplit de haine. Une haine incomparable, alimentée par tous les sentiments négatifs du garçon. Le père haussa un sourcil et recula d'un pas devant le regard furieux de son garçon.
C'était la première fois que celui-ci réagissait ainsi...
Déjà, Jay était debout et le frappait de toutes ses forces en hurlant comme un possédé. À bout de forces, il courut ensuite vers la porte, l'ouvrit à la volée et se sauva en courant dans la nuit.

- Je... D'accord...
Il le ramassa, le plia soigneusement et le glissa dans sa poche. IL se leva ensuite et se mordit la lèvre. Il avait bizarrement les yeux pleins d'eau mais tâcha de ne rien laisser paraitre.
- Eum... Alors à plus tard...
Il s'en alla rapidement en direction de l'école.

Elle le regarda partir puis marcha elle aussi, plus lentement, vers l'école. Elle n'était pas pressée de se rendre en Histoire, après tout...

La dernière cloche sonna après ce qui lui parut être une éternité. Elle alla à sa case, enfila un manteau noir et sortit.

Le jeune homme était déjà dehors. Il avait remit ses lunettes de soleil et sa casquette et marchait lentement les mains dans les poches de son manteau. Il repensait à son passé, un passé qu'il avait préféré oublier car il n'était qu'horreur, peur et violence. Nathalie avait fait remonter à la surface des souvenirs douloureux, mais qui d'une certaine façon lui permettaient de comprendre ce que ressentait la jeune file. Il commença à neiger un peu, et Jay soupira. Il se jura de continuer à défendre Nathalie, qu'elle le veuille ou non.

Jay la vit - comment ne pas la remarquer? - mais n'alla pas la voir. Il lui laissa un peu la paix, décidant de continuer son chemin. Sa famille d'accueil habitait non loin de là, un gentil bonhomme un peu bedonnant amateur de hockey et une femme qui cuisine les meilleurs repas au monde. Des gents gentils et attentionnés qui ont accepté de l'accueillir chez eux. Bref, c'est là qu'il se rendit et ouvrit la porte.

Jay monta directement à sa chambre et enleva son chandail. Il s'étendit sur le ventre, sur son lit, et accota sur menton sur ses bras croisés. Maria, sa "mère adoptive" l'appela pour le souper; il ne descendit pas. Elle l'appela une nouvelle fois au bout de cinq minutes, mais encore une fois il ne bougea pas. Il entendit finalement des pas dans l'escalier, et une trentaine de secondes après elle était dans sa chambre. Elle s'assit sur le bord du lit et lui caressa tendrement les cheveux. Elle s'occupait de lui comme une vraie mère, et il l'appréciait beaucoup.
- Ça ne va pas mon grand?
- Bof...
- Tu veux m'en parler? demanda-t-elle doucement.
Jay soupira et lui raconta brièvement sa journée tandis que la femme continuait de lui jouer tendrement dans les cheveux.

Jay descendit finalement manger, mais ne dit pas un mot de tout le repas. Il réfléchissait, et pensait surtout à Nathalie. Elle lui rapellait tant une petite fille qu'il avait jadis connue, enfin on s'entend qu'il ne la connaissait pas vraiment, mais la voyait chaque jour à l'école. Et comme de fait, elle se faisait écoeurer aussi. On ne la laissait jamais tranquille!
- La vie est trop injuste. Ils n'ont pas le droit de lui faire ça ! Elle ne le mérite pas! dit-il en serrant le poing sur sa fourchette.
- Qui donc? demanda Jean, le "père".
- Elle ne leur a rien fait bon sang! continua Jay sans répondre à sa question.
Il repoussa son assiette, croisa ses bras sur la table et accota sa tête dessus.
- Je les déteste. Tous.

(Hahaha joli !)

Vers les sept heures, sans être descendue souper, Nathalie accotta sa tête contre un mur et regarda les photos sur le mur d'en face. Elle et lui, lui, lui, elle, elle, elle et lui, elle et lui, elle et lui...
Elle soupira et, lentement, une mélodie lui vint à l'oreille.
«J'ai jamais vu une fille
Pleurer autant pour un garçon
Jamais vu l'amour
Créer de la haine de cette façon
Ses chagrins de jours...»
Elle cogna contre le mur. Jordan devait être de l'autre côté.
-Ta gueule, imbécile ! fit-elle.
Il rit un peu.
-Sèche tes pleurs, sèche tes pleurs...
Elle se leva rageusement, alla dans la chambre de son frère et lui vola sa guitare en plein jeu. Elle l'enferma dans son garde-robe et alla se coucher. Comme ça. À 7hrs04 du soir.

(^^)

Maria et Jean essayèrent un moment de parler à leur fils adoptif mais il refusait catégoriquement d'en dire plus. Ils le laissèrent donc tranquille et allèrent discuter plus loin.
- Crois-tu que notre p'tit gars est amoureux?
- C'est possible, Jean...
- En tout cas, il a l'air bouleversé.
- Il m'a raconté tout à l'heure qu'une jeune fille à l'école se faisait énerver. Avec tout ce qu'il a vécu, le pauvre, ça le fâche vraiment de voir ça... dit doucement Maria.
Ils entendirent alors des bruits de pas dans L'escalier. Jay était allé se coucher.