Sunday, Bloody Sunday

Une dizaine de minutes plus tard, Maria faisait irruption à l'hopîtal. On lui indiqua la chambre et elle y entra aussitôt. Elle éclata en sanglots en voyant Jay étendu dans le lit, inconscient, le visage livide.
- Qu'est-ce qu'il a?
- Madame... Il a plus de trois litres d'alcool dans le sang ! C'est le barman qui nous a appelé. Le garçon était étendu sur le plancher, soûl mort.
Plusieurs infirmiers et médecins s'affairaient à réanimer le jeune homme. Maria, pleurant toujours, se laissa tomber sur une chaise et sortit son cellulaire pour appeler à nouveau chez Nathalie. Ses doigts tremblaient et ça lui prit un bon deux minutes avant de réussir à composer le numéro.

- Allô... Je... Est-ce que je pourrais parler à Nathalie? C'est très important...
Elle essayait tant bien que mal de se calmer et d'arrêter de pleurer mais c'était plus fort qu'elle, surtout quand un infirmier hurla:
- Putain on va le perdre!
Ils s'acharnaient sur le corps inanimé de Jay, qui respirait à peine et dont le coeur battait très faiblement. L'alcool avait complètement engourdir son corps et son cerveau.

- Ooh Nathalie...
La pauvre femme était en larmes et dû attendre un instant avant de poursuivre:
- Je voulais te mettre au courant de... Comment te dire... Jay est à l'hôpital. Il ne va pas bien du tout. Il... Il a tellement bu... je sais pas pourquoi... Les médecins... Essayent... le réanimer...
Ce qu'elle disait était rendu confus et difficile à comprendre à travers les sanglots.

Soudain, Jay ouvrit les yeux. Les médecins sourirent, mais presque aussitôt l'un d'eux, rien qu'à voir la figure du garçon, tira une poubelle à côté du lit, juste à temps. Jay s'y pencha aussitôt et vomit, tandis que le médecin expliquait aux autres:
- Ça, ça va nous aider. Si il pouvait ressortir le plus d'alcool possible, ça nous faciliterait la tâche.

Silence au bout du fil...
-Maria ??...
C'était la mère de Nathalie.
-Ils sont partis, ils vont arriver dans... Ohh ! Ils roulent vite, dans peut-être 10 minutes...

Nathalie avait cessé d'écouter après le mot «hôpital». Elle avait bondi, sauté dans l'auto de son frère et avait attendu trop longtemps à son goût qu'il démarre. À mis chemin, elle se mit à tousser. Tousser, tousser, chercher de l'air, tousser...
-Où t'a mis ta pompe, Thalie ?
-Mma.... Maiisoonn...
-Ehh merde !!
Il pesa un peu plus sur l'accélérateur.
En moins de 5 minutes, il furent à l'hôpital. Un infirmier s'approcha, craignant une crise extrême d'asthme.
-C'est rien, inquiétez-vous pas, donner lui une pompe et ça va se régler...
L'infirmier se dépêcha d'aller lui en chercher une. Elle prit quelques bouffées puis respira plus facilement. L'infirmier écouta néanmoins son coeur.
-Je crois qu'elle fait de l'hypertension.
Jordan soupira devant l'incompétence de l'infirmier.
-Elle vient d'apprendre que son petit ami est ici... Il s'appelle Jason...
-Ahhh !
Il alla voir dans le cartable des admissions puis une infirmière s'approcha.
-Bonjour Jordan. Bonjour, Thalie.
Ce n'était pas très étonnant. La moitié des gens ici la connaissait.
-Tu as l'air en pleine forme !!
Jordan trouva cela à la fois vraie, et à la fois d'une ironie insultante. Sa soeur avait du mascara sur les joues, les cheveux ébourriffés et le visage tout rouge d'avoir mal respiré. Il l'arrangea un peu.
-Dans les soins intensifs, porte 7. Vous n'êtes pas autorisés à...
Ils étaient déjà partis. Quand elle ouvrit la porte, Nathalie recula d'un pas, écoeurée par l'odeur de vomi.

Aussitôt, Maria se précipita vers Nathalie et la serra contre elle.
- Mon dieu seigneur... Nathalie...
Un infirmier sortit avec la poubelle en se bouchant le nez d'une main. Soudain, un long cri retentit dans la chambre et le médecin ainsi que tout les autres reculèrent de quelques pas.
- C'est bien ce que je craignais...
Jay était complètement en sueur. Il avait une forte fièvre et semblait en pleine crise de délire. Il hurlait comme un possédé en se débattant. Deux infirmiers tentaient de l'immobiliser comme ils pouvaient, mais il leur criait de laisser sa mère tranquille et ils finirent par s'éloigner.
- Faut attendre que ça passe ?
- Donnez-lui des calmants.
- Mais on peut pas l'approcher! J'ai faillit recevoir son poing sur le nez!

Maria hocha la tête et composa le numéro pour appeler son mari.

Jay tressaillit mais dit, d'une voix moins forte, d'un ton suppliant:
- Touchez pas à ma mère...
Il fixait le vide, au-dessus de l'épaule de Nathalie, mais avait cessé de gigoter. Aussitôt qu'un des hommes fit quelques pas vers lui, il recommença à se débattre.
- Ok ok... du calme bonhomme...
L'homme recula lentement.

Jay se calma enfin. Ses bras tremblant enlaçèrent Nathalie et il accota sa tête contre la sienne en regardant toujours un point invisible au loin. Il était tout chaud et son front était couvert de sueur. Il semblait ailleurs, comme dans un autre monde.
Un infirmier s'avança doucement avec les calmants. Jay ne broncha pas, et l'infirmier réussit à les lui donner.

Il y eut quelques légers rires parmis les infirmiers présents. Ils dirent quelques mots à Maria et quittèrent la pièce en lançant à Nathalie de les avertir si il y avait un problème. Un homme arriva alors en trombe dans la salle. Jean. En voyant Jay éveillé, contre Nathalie, il poussa un petit soupir de soulagement et s'approcha lentement pour mettrer sa main sur l'épaule du garçon.
- Mais qu'est-ce qui t'a pris Jason..?
Il soupira à nouveau et retourna vers Maria qu'il serra longuement contre lui. Jay reserra son étreinte. Il avait déjà du mal à garder les yeux ouverts, et décida finalement de les fermer. Sa tête bien accotée contre Nathalie, il eut à peine le temps de murmurer un faible "Je t'aime" que le sommeil l'emporta.

Maria lui adressa un magnifique sourire en s'approchant du lit.
- Tu n'as pas à l'être voyons...
Jean sourit à son tour.
- Nous devons rentrer. Tu veilles sur Jay?
Maria déposa un baiser sur le front du garçon, salua Nathalie et les deux sortirent ensuite de la salle.

Nathalie resta là, à lui caresser les cheveux.
-Tu sens la cigarette... fit-elle. Je sais que tu ne fumes pas, sinon tu sentirais toujours la cigarette. Il devait y avoir des fumeurs au bar.
Elle l'observa un moment.
-Et tu es pâle. Comme moi. Mais moi je suis toujours pâle... Je sais pas pourquoi. Peut-être que ce sont mes médicaments qui me rendent comme ça...
Elle caressa doucement sa joue.
-Oh, mais tu es froid ! Attend, je vais me rapprocher...
Elle se colla un peu plus contre lui.
-Demain matin, réveille-toi, d'accord ? Tu m'as fait une promesse, l'oublie pas...
Elle sourit et appuya sa tête contre l'oreiller, collée contre celle de Jay.
-Nathalie ?
Elle ne prit même pas la peine de lever la tête.
-C'est moi, le Docteur...
-Je sais.
On entendit un soupir.

»«

Le Docteur regarda sa plus ancienne patiente avec un vague sourire. Elle avait des vêtements plus colorés que jadis, un beau jaune luisant, mais toujours ces gants, ce qui était sans doute une bonne chose tout de même. Ses cheveux semblaient plus soyeux, signe qu'elle s'alimentait sans doute mieux qu'avant. Néanmois, certaines choses ne mentait pas sur son état : sa peau pâle, ses vêtements déchirés par endroit, son souffle plus court que jamais, ses ongles rongés...
-Comment ça va, Thalie ?
-Mieux.
-Vraiment ?
-Oui.
-À cause de ce garçon ?
Aucune réponse.
-Il a une jolie cicatrice sur le torse...
Encore aucune réponse.
-Je voulais simplement te dire que si tu veux m'en parler ou s'il y a quoi que ce soit, tu peux me le dire.
-Pour que vous augmentiez ma dose et me rendiez légume ?
Le médecin soupira.
-Ton frère m'a dit que tu avais fait une crise aujourd'hui...
-C'est fini maintenant.
-Il me dit que tu as tout brisé...
-C'est fini, j'vous dis !
-Bien, bien. Tu avais pris ta médication ?
-Oui.
-Alors oui, Nathalie, il faudrait sans doute que j'augmente tes doses.
-Mais ce n'est qu'une petite rechute ! Ça arrive à tous vos patients, j'en suis sure...
Le médecin ne put faire autrement qu'avoir un sourire.
-Oui, c'est vrai. Mais je t'avertis, Nathalie : une autre crise et j'augmente.
-D'accord.
-Bonne soirée, Nathalie.
Comme il n'obtenait pas de réponse, il partit.

»«

Nathalie soupira.
-Ce n'est rien, fit-elle à l'adresse de son prince au bois dormants.
-Nathalie ?
Jordan venait d'entrer.
-Mmm ?
-Tu veux que je reste ?
-Non.
-Ils vont être d'accord pour que tu restes toute la nuit ?
Elle haussa les épaules.
-Je suis plus chez moi ici qu'à la maison de toute manière...
Il opina de la tête.
-Bonne nuit alors. Garde mon cellulaire.
Il lui déposa sur le coin du bureau.
-Au cas où...
Il déposa un baiser sur son front et partit.
Elle soupira.
-Bon... enfin seuls...
Mais elle s'endormit rapidement elle aussi et ne put lui faire longtemps la conversation.

C'est le noir total. J'entends comme des murmures, mais je ne parviens pas à comprendre distinctement. Il fait froid. Non, maintenant c'est plus chaud. Je ne sais plus si je suis vivant ou bel et bien mort. Un brouillard semble flotter dans mon cerveau. C'est confus. Je sens quelque chose contre moi. Les morts peuvent-ils sentir, penser, entendre? Non. Je suis en vie. Mais pour combien de temps? C'est difficile de lutter. Mon corps semble vouloir tout lâcher. Pourquoi forçer à me maintenir en vie et souffrir à nouveau? Je vais définitivement abandonner, c'est décidé.

Les "bip bip" sur la machine à laquelle était relié Jay ralentirent. Mauvais signe.

Une phrase prononçée près de moi attire mon attention plus que les autres. Ce qu'elle dit? Je ne l'entends pas clairement... Pourtant, je sais que c'est important... Je me concentrai plus pour parvenir à dissiper un peu l'épais brouillard. J'entendis alors distinctement une voix que je connaissais bien. Et je saisis le message. "Tu m'as fait une promesse". Oui, j'ai promis... J'ai promis quoi au juste? Ça ne me reviens pas. Ouff... Pas facile d'être sur le point de mourir... Pourquoi ne pas tout arrêter là...?

La machine ralentit encore. Les bips étaient faibles et distançés. Il y avait évidemment un problème.

(Y va pas crever )

(J'espère pas !!)

Le bruit changeant réveilla un peu Nathalie. Elle releva la tête un peu et écouta. Le bip bip de la machine avait ralenti un peu. Elle mit cela sur le dos du sommeil. Puis, bizarrement, elle rebaissa.
Elle paniqua un peu, appuya à au moins dix reprises sur le bouton d'aide.
-Jay ! Jay, qu'est-ce que tu fous bon dieu ! Arrête ça, c'est pas drôle, tu me fais peur !! Jay, tu m'avais promis que tu partirais pas !! C'est pas drôle, Jay !!!

Une bonne dizaine de personnes entrèrent en courant dans la salle. Ils comprirent aussitôt le problème et l'un d'eux tassa Nathalie tandis qu'ils s'efforçaient de réveiller Jay. Rien à faire. Ce n'était plus du sommeil...
- Merde de merde! Faut l'réanimer!
Ils s'affairèrent donc autour du garçon pendant un bon moment, mais le bip bip faiblissait de plus en plus. Jay ne semblait plus avoir aucune volonté de rester en vie.
- On va le perdre!
- FAUT PAS !!
- MAIS JE SAIS !!! QU'EST-CE QUE TU VEUX QUE J'TE DISE!?
- Qu'il va survivre...
- Écoute... Ya plus rien à faire. On a tout essayé. C'est fini.

Mais qu'est-ce qu'ils foutent eux!? Peuvent pas me laisser mourir en paix? Mais ai-je vraiment le goût de mourir? J'ai choisis le chemin le plus facile. Mourir ne demande aucun effort, dans l'état où je suis. Ce n'est pas mon genre, de reculer devant les problèmes... Je n'ai quand même pas "toffé" avec mon salaud de père, trouvé la meilleure famille d'accueil qui soit et gagné le coeur de la fille que j'aimais pour ensuite mourir ainsi comme un lâche! NON ! Je ne mourrai pas cette nuit, ou mon nom n'est pas Jay!

Soudain, le bip bip sembla reprendre en force. Une infirmière éclata carrément en sanglots, un mince sourire aux lèvres.
- Il se bat. Il ne veut pas partir...
- Let's go les gars ya peut-être encore une chance!
Et hop, les techniques de réanimation reprirent.

Comment j'ai pu être aussi nul ? Je m'en souviens maintenant. J'avais promis à Nathalie que je ne l'abandonnerais jamais. Quel idiot je fais... J'étais sur le point de briser cette promesse à peine quelques heures après l'avoir faite... Hein? Est-ce que je vois vraiment... une lumière? Oui, je crois distinguer quelque chose à travers le brouillard. J'ai la certitude que je dois aller par là. C'est ma porte de sortie. La solution à mon problème. La seule façon de revoir Nathalie.

- Ouais... Ouais mon gars vas-y.... Tiens bon...
Depuis quelques minutes, le bip bip ne cessait d'augmenter en force. Il était encore un peu irrégulier, mais tout le monde avait confiance.
- On l'a ! Il a bougé j'en suis sûr! Arrêtez tout !
Tout le monde recula de quelques pas, retient son souffle.
- T'es sûr qu'il a bou..
- CHUT !
Soudain, Jay ouvrit les yeux alors que la machine faisait entendre avec force des bip bip tout à fait normaux. Tout les infirmiers, hommes et femmes, se serrèrent les uns contre les autres en se félicitant. Mais une réaction inattendue du patient les fit sursauter. Jay était carrément en larmes et répétait "Je suis désolé, je suis désolé, je suis désolé".
Son regard était fixé sur Nathalie.

Jay s'était redressé, et une infirmière avait plaçé des oreillers dans le dos. Assit dans le lit, le jeune homme pleurait toutes les larmes de son corps en répétant qu'il était désolé, qu'il s'en voulait, et qu'il l'aimait de tout son coeur.
Les autres restaient proche de lui, craignant qu'il ne reperde les pédales et se tappe un autre crise de folie.

Jay hocha la tête mais les larmes continuaient de couler sur ses joues malgré tout. Il se releva un peu plus dans son lit, attira Nathalie à lui et la serra dans ses bras avec force. Il s'en voulait tellement...
- Je suis un idiot. Je suis tellement con !!